Interview d’Abel Danan

Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Abel Danan, j’ai 22 ans, et je suis réalisateur (ou du moins j’apprends de plus en plus à l’être !)

Quel a été ton parcours avant de devenir réalisateur ?
Avant de devenir réalisateur, j’ai compris que je devais renforcer au maximum ma culture de cinéma, mon amour pour cet univers, et nourrir cet appétit par le visionnage de films pour comprendre ce que j’aimais !
J’ai donc commencé par regarder beaucoup de films, avant d’écrire des critiques dessus.

Interview d'Abel Danan

Cela m’a amené vers l’émission de Canal + « Le Cercle », dans laquelle, à 17 ans et en parallèle de mes études, j’ai pu défendre des réalisateurs que j’aimais, allant des Frères Safdie à Martin Scorsese en passant par Lynne Ramsay et Kore-Eda.

Ça a été mon école de cinéma, et ce qui m’a appris à savoir ce que je voulais vraiment : écrire et mettre en scène !

Quelles ont été tes motivations à devenir réalisateur ? As-tu une source d’inspiration ?
J’ai toujours été fasciné par les récits personnels d’auteurs, aussi bien dans la littérature que dans le cinéma. Leurs histoires personnelles, leurs souvenirs d’enfance, leurs familles… C’est ce qui m’a toujours le plus passionné, et qui m’a donné envie, presque par réflexe, d’explorer mes origines et mes racines.

Mes sources d’inspiration sont assez diverses et éparses, en fonction des époques et des arts.

Cinématographiquement, tout est d’abord venues des États-Unis et du « Nouvel Hollywood», de Spielberg à Coppola en passant évidemment par Martin Scorsese, pour ensuite passer par le cinéma Japonais des années 60,  d’Akira Kurosawa à d’Ozu.

Trois mots pour définir ta vision du cinéma ?
Personnel, passionné et singulier !

Comment as-tu eu l’idée de réaliser Love Cantata ? A-t-il été difficile à tourner ?
« Love Cantata » est venu d’un vrai désir de cinéma, celui de raconter une histoire au carrefour des deux cultures qui me touchent et m’animent le plus ( le Japon et la France ) et de la raconter de façon originale, baroque, stylisée  pour parler des troubles que les relations d’amour peuvent vivre dans nos jeunes générations façonnées par les réseaux sociaux et les moyens de communication démocratisés.

J’ai été frappé, lors d’un voyage à Tokyo pour aller voir ma famille, du manque de communication entre la jeune génération et ses aînés, et de l’isolement que cela peut parfois créer chez les jeunes.

Utiliser un ordinateur ou un téléphone portable pour vivre une relation est devenu quelque chose de tellement évident dans ce pays et cette génération que des centaines de métiers en ont émergé, notamment celui des Cam-Girls, qui est celui dont je parle dans mon film.

Le film, se passant essentiellement dans l’intimité totale de deux personnages et de leurs pensées, a été très intense à tourner, surtout pour les acteurs qui ont du se dépasser et tout donner au niveau des intentions de jeu. Pour encore plus renforcer le sentiment de recherche et de tracas permanent qu’ils vivent, j’ai aussi eu comme parti-pris de le tourner quasiment intégralement de nuit, ce qui a forcé les acteurs et l’équipe technique à travailler essentiellement de nuit. Cela a permis aussi de créer des liens puissants entre nous tous, si bien que désormais, je les appelle ma «deuxième famille japonaise », car ils ont été absolument exceptionnels !

Comment choisis-tu tes acteurs ?
Dans le cadre de ce film, très personnel et parlant de choses intimes, j’avais vraiment envie de prendre des acteurs qui m’avaient émerveillés et donné des émotions particulières au cinéma.

J’ai vu Idir Chender dans le film « Carbone » d’Olivier Marchal dans lequel, en quelques scènes, il efface tout le reste du casting (pourtant composé des grands Depardieu et Magimel !). Il a une puissance, une sensibilité et une gravité qui m’a fait penser à Al Pacino dans « Scarface » c’est vous dire …

Pour Rila Fukushima, ça remonte à 2013, une séance de cinéma avec mon père, celui grâce auquel (en partie, je ne veux pas fâcher ma mère !!!) j’ai eu envie de faire du cinéma.

Fan absolu de super-héros, nous étions allés voir « Wolverine, le combat de l’immortel » au cinéma, film dans lequel il vit ses aventures … au Japon ! Tout est lié !

Nous avions tous les deux été émerveillés par le talent de Rila, cette actrice censée camper un second rôle qui pourtant marque pendant tout le film par son look, son regard, son visage et sa voix.

Quel immense plaisir et honneur d’avoir pu les diriger à Tokyo … Je n’en reviens toujours pas.

Comment as-tu connu le Festival Ptit Clap ? 
Le festival Ptit Clap m’a été vivement recommandé par plusieurs amis réalisateurs, ainsi que par ma productrice, Sophie Tepper, qui l’a inscrit plusieurs mois avant les deadlines du festival. En regardant les sélections précédentes, les films sortis, les jurys et les intervenants, je n’ai pas hésité ! Il n’y a rien de plus plaisant (et angoissant) que de présenter son film, surtout avec des conditions et un accueil aussi chaleureux que le Ptit Clap. 

Qu’as-tu ressenti lorsque tu as reçu le 2ème prix du jury ? 
J’ai été vraiment très ému et heureux de recevoir ce prix, qui m’a d’ailleurs été remis par Hélène Bizot, comédienne et artiste de talent que je tiens à remercier pour sa gentillesse, son soutien, et ses magnifiques compliments sur le film. 

Le fait que le prix d’interprétation ait été remis à Idir m’a également beaucoup touché, car sa prestation est en effet assez intense et spéciale, et qu’il soit récompensé me touche et me fait plaisir ! 

Quels sont tes futurs projets ?
Je viens juste de terminer de réaliser un court-métrage d’horreur, en Français, que j’ai écrit avec une scénariste de talent, Emma Lacoste, tourné pendant le confinement, avec dans les rôles principaux Melissa George ( actrice nominée aux Golden Globes et présente dans « Triangle », « 30 Days of Night » et surtout le grand «Mulholland Drive» ) et Pauline Chalamet (dans «The King of Staten Island») qui s’appelle CANINES et dont je suis extrêmement fier, car il a été sélectionné en compétition au Festival International du film de Gérardmer, ainsi que dans plusieurs autres festivals dans le monde entier ! C’est un film qui parle toujours de notre monde et du terrain de jeux immense qu’offrent les réseaux sociaux, dans les côtés clairs comme plus sombres… Et j’ai hâte de le montrer, tant je suis fier de l’ambiance, du sujet, et surtout des performances des deux actrices qui sont tout simplement bluffantes ! 

Si tu devais faire passer un message aux jeunes qui se lancent dans le domaine de la réalisation quel serait-il ?
Je n’ai pas la prétention de pouvoir faire passer des messages à la jeune génération, car je n’ai que 22 ans, et j’en fais donc partie de cette génération !  Mais en revanche, je peux donner quelques  petits conseils plutôt ;  De ne pas lâcher, d’être patient, et surtout de toujours continuer à filmer car c’est en faisant qu’on apprend, qu’on développe son univers et ses thèmes, et qu’on sait de quoi on veut parler !