Interview d’Olivier Lallart

Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Olivier Lallart, ça fait une dizaine d’années que je suis réalisateur, je fais des vidéos de tous types : des courts-métrages vraiment sur mon temps libre professionnel, c’est-à-dire environ un tous les 3 ans, sinon tout le reste de l’année je fais des vidéos pour qui en veut, des petites pubs, des clips, de l’institutionnel, et beaucoup de courts-métrages en milieu scolaire (collèges et lycées).

Quel a été ton parcours avant de devenir réalisateur ?
J’ai toujours réalisé depuis tout petit, je prenais le caméscope de mes parents et je faisais des films avec des copains, et puis quand le lycée s’est terminé je ne savais pas trop quoi faire et j’avais un peu grandi avec des parents qui me faisaient comprendre que le cinéma ce n’était pas forcément un métier, du coup je me suis tourné vers le tourisme complètement par hasard. J’ai donc travaillé dans le tourisme pendant 2-3 ans avant de me rendre compte que c’était vraiment le cinéma que je voulais. Je m’en suis rendu compte en faisant une figuration sur un film, ça a été un déclic, là j’ai tout arrêté, j’ai quitté mon CDI, j’ai fait une école de cinéma en un an en 2010. De là je me suis lancé, j’ai fait mes réalisations petit à petit en faisant beaucoup de figuration aussi au départ.

Interview d'Olivier Lallart

Quelles ont été tes motivations à devenir réalisateur ? As-tu une source d’inspiration ?
Mes motivations je ne saurai pas trop dire, en fait je crois que depuis tout petit j’aime réaliser, j’aime le processus par lequel au départ on a juste quelques mots sur un bout de papier et tout est à créer, tout est à faire, tout est possible et j’adore bricoler, trouver des astuces, j’aime tout le processus qui donne vie, le processus de création, même celui du casting, tout ce qui fait que le film se construit et prend vie. Parfois même je prends plus de plaisir à regarder un making-off qu’un film. Donc je pense que c’est tout ça aussi qui me plaît. Pour mes inspirations, j’aime bien des réalisateurs qui sont, comme je dis souvent un peu ma « nouvelle vague à moi », des gars comme Gaspar Noé, Kim Chapiron, ou Romain Gavras qui font des films un peu violents, un peu différents de ce qu’on peut trouver dans le cinéma français ou même américain qui devient de plus en plus aseptisé et formaté. Eux ils font des films un peu fous, où je trouve qu’il y a des énergies assez fortes qui se dégagent. Un mec qui m’inspire beaucoup aussi c’est Xavier Dolan, parce qu’il a à peu près mon âge et qu’il a fait je ne sais combien de courts-métrages et j’aime beaucoup ce qu’il dit, ce qu’il fait, pour moi c’est une sorte d’ « idole », j’aimerai avoir le même parcours que lui.

Trois mots pour définir ta vision du cinéma ? 
Émotion
Voyage
Rêve

 Comment as-tu eu l’idée de réaliser PD ? A-t-il été difficile à tourner ? 
Je me baladais dans les cours de récrées et j’entendais beaucoup le mot « PD » qui était lâché à tort et à travers, donc dans la bouche des jeunes ce n’était pas forcément homophobe c’est un peu l’insulte « à la mode » on va dire. Mais je me suis dit mince, si moi j’avais eu leur âge et que j’étais en plein doute sur ma sexualité à cet âge-là, comment je l’aurai ressentis ? Parce que j’avais vraiment l’impression qu’ils le disent plus aujourd’hui qu’il y a 15-20 ans quand j’étais au collège. Et je me disais : comment les jeunes aujourd’hui peuvent ? Ceux qui sont en doute sur leur sexualité, qu’est-ce que ça peut leur faire d’entendre ça plusieurs fois dans une journée ? En sachant qu’à force de le dire ça banalise l’homophobie et je voulais vraiment interpeller sur ce mot. Moi-même j’ai découvert ma sexualité  très tard, bien après le lycée et j’avais aussi une envie de parler de ce sujet-là pour être tout à fait honnête.

Il a été un peu difficile à tourner, parce que comme tout film l’étape la plus dure est de trouver de l’argent, et au niveau de l’argent on a eu 5 fois moins que ce qu’on aurait voulu parce que je ne suis pas connu, et que je ne suis pas dans des réseaux… Donc ça a été très compliqué on a fait ce film qu’avec 35 000 euros, alors que pour un film comme ça se serait monté aux alentours de 150 000 euros, donc c’était un peu compliqué, on ne payait pas les gens, on a failli perdre des gens au fur et à mesure parce qu’il n’y avait pas assez d’argent, on n’avait pas aussi tout ce qu’on voulait. En fait on a demandé beaucoup plus aux gens que ce qu’ils auraient dû faire et ça a été une grosse source de stress, on a tourné sur des très longues journées, on l’a fait qu’en 6 jours, il y a une journée par exemple où on a tourné toute la séquence de bal de 8h30 du matin à 1h30 du soir, donc c’était effectivement des très grosses journées, avec beaucoup de monde, beaucoup de plans à faire. C’était génial comme tournage, mais très très intense.

Comment choisis-tu tes acteurs ?
On a fait 3 journées de casting, une à Lille, une à Amiens, une à Clermont de l’Oise. On a rencontré pas mal de profils. Pour le coup je les choisis clairement par casting, en tout cas tous les jeunes qui sont dans le film c’est par casting. Donc on les a fait passer sur des scènes, et j’essaye toujours de prendre un temps pour parler avec eux avant, de les mettre à l’aise, de ne pas être en position du réalisateur qui est assis, qui regarde derrière des lunettes noires, qui ne parle pas. Je tenais la caméra, je parlais avec eux comme dans la vie de tous les jours, j’aime bien mettre à l’aise les gens et voir ce qu’ils donnent dans leur naturel. Et puis je leur faisais aussi faire des petites émotions face caméra. Après il y a des acteurs que j’ai choisis parce que je les connaissais, notamment Fabien Ara et Jonathan Darona qui font le couple de gays qui sort du bar, eux ce sont des gars avec qui j’ai déjà travaillé sur des tournages et je voulais faire appel à eux. Et puis Marc Riso que j’ai rencontré sur un festival avec qui on s’est super bien entendus parce qu’on était membre du jury tous les deux et je lui ai proposé le rôle du prof parce que je savais que c’était quelqu’un qui faisait beaucoup de comédie et je voulais justement, dans cette scène qui est très didactique, parce qu’il y a quand même un gros discours à faire passer qui dure 4 minutes 30, je voulais quelqu’un qui pourrait apporter un petit peu de légèreté là-dedans pour ne pas que ce soit trop plombant et trop moralisateur, donc ce choix-là a été très important.

 Comment as-tu connu le Festival Ptit Clap ? 
Justement, j’ai connu le Festival Ptit Clap grâce à ce fameux Marc Riso, qui je crois a un gros rôle sur Ptit Clap, en tout cas il me semble qu’il a participé au teaser.

 Pourquoi avoir choisi de participer au Festival Ptit Clap ?
Marc m’a proposé et j’ai dit oui tout de suite parce qu’effectivement c’est un film qui touche la jeunesse, enfin pas que la jeunesse, mais en priorité les jeunes parce que c’est un film qui se passe dans un lycée et que les jeunes c’est un moment de leur vie où ils construisent leur façon de penser et on grandit tous avec l’éducation de nos parents et avec parfois de préjugés, des a priori. Du coup l’adolescence c’est un moment où on commence à penser par soi-même et je trouve que c’est important que dans les médias on puisse proposer de la diversité, des repères, des choses sur les LGBT et leur montrer et les faire réfléchir là-dessus pour qu’ils puissent après, eux-mêmes se construire et se faire leurs propres opinions. Donc c’était vraiment important pour moi de participer à ce festival parce que je savais qu’il s’adresserait à des jeunes et c’était un des publics privilégié.

 Qu’as-tu ressenti lorsque tu as reçu le prix des lycéens ? 
J’étais hyper content, notamment parce que pour moi le prix des lycéens a un vrai sens puisque justement c’est un film qui est destiné à eux et je suis très content parce qu’on a fait des projections, on en a fait très peu pour l’instant en collèges et lycées à cause du Covid, mais le peu qu’on a fait on a eu des réactions très fortes et j’avais un peu peur, on a vu des classes où beaucoup dans la classe étaient dégoutés par le film, donc je savais que c’était un film qui ferait débat et polémique, je pensais pas forcément qu’il gagnerait le prix parce que je me suis dit que les lycéens vont justement aller chercher un film plus léger surtout dans les temps compliqués que l’on vit en ce moment. Donc voilà je suis très fier parce que ça veut dire que finalement l’homosexualité gagne dans le sens où les gens ont été touchés, les jeunes ont été touchés, et ça, ça fait plaisir, c’est une belle victoire en tout cas.

Quels sont tes futurs projets ?
Je prépare un long-métrage que j’écris depuis un an, mais que, pour être tout à fait honnête, j’ai repris à zéro le mois dernier, c’est très compliqué l’écriture, en plus la thématique se serait un peu comme dans « PD », mais ce serait une histoire cette fois-ci beaucoup plus personnelle, c’est-à-dire un jeune qui découvre son homosexualité très tard, vers 25-27 ans et avec des contraintes familiales plus importantes : il est dans un milieu où il est sur le point de se marier avec sa femme. Enfin voilà, ce serait un film bien différent, je préfère ne pas en dire trop pour l’instant car il n’arrête pas de changer, mais en tout cas je suis dessus, et ce serait un long-métrage.

Si tu devais faire passer un message aux jeunes qui se lancent dans le domaine de la réalisation quel serait-il ?
Persévérez, foncez et ayez les épaules bien larges parce que c’est un métier compliqué, parce qu’il faut de la passion, parce que personne ne vous attend, ça c’est important. Mais par contre quand on réussit c’est selon moi le plus beau métier du monde. Je dirais comme meilleur conseil : ce n’est pas forcément le choix des études qui va déterminer votre réussite parce que moi mon école était nulle et n’a duré que quelques mois, je pense que c’est vraiment de tourner, il faut tourner des films tout le temps, tout le temps, et si à un moment vous n’avez pas de motivation, engagez-vous dans un concours, les concours ça aide beaucoup parce que ça nous met une dead-line et en tant que réalisateur quand on n’a pas de dead-line et bien on a tendance à trainer des projets sur 3-4 ans et à se dire je vais le faire quand j’aurai tel truc ou tel acteur ou quand j’aurai du temps et on se trouve plein d’excuses et quand il y a un concours on est obligés de rendre un film dans un temps donné, avec un minutage donné, des contraintes, et ça nous oblige à tourner et ça c’est chouette. Donc tournez, tournez, tournez, faites des films, y a que comme ça que vous apprendrez, c’est d’essayer, de faire, de se tromper, de recommencer, de se retromper, de recommencer à nouveau. Je pense que c’est la meilleure école qu’il soit.